La croix celtique


 

La croix celtique érigée en 1907 à Fontenoy est un des monuments irlandais les plus emblématiques hors de son pays d'origine. Elle est destinée à honorer la mémoire des soldats irlandais tombés au combat lors de la bataille du 11 mai 1745 opposant l’armée française aux troupes alliées dans le cadre de la Guerre de Succession d'Autriche.

 

Une colonne militaire alliée placée sous le commandement de William, duc de Cumberland, troisième fils de Georges II, roi d’Angleterre, et composée de troupes anglaises, autrichiennes, hollandaises et hanovriennes se regroupe près de Bruxelles. Ces troupes alliées viennent au secours de Tournai, ville assiégée par les armées françaises commandée par le Maréchal Maurice de Saxe depuis le 25 avril 1745.

 

Aux cotés des troupes françaises, nous trouvons un contingent de soldats catholiques irlandais, six régiments d’infanterie irlandaise – Berwick, Bulkeley, Clare, Dillon, Roth et Lally – et le régiment Fitzjames de cavalerie.

 

Pour expliquer la présence de ces soldats irlandais, il faut remonter un siècle avant la bataille, en 1646, au moment ou Charles 1er tombe sous le pouvoir du Parlement. Suite à un soulèvement de toute l’Irlande, Cromwell débarque sur l’île. Les massacres de Drogheda le 10 septembre 1649 et de Wexford le 11 octobre 1649, témoignent de la cruauté des combats. Les civils irlandais au même titre que les soldats sont tués délibérément.

 

En 1652, intervient un acte d’Etablissement (Act of Settlement). Par cet acte, tous les Irlandais de souche doivent abandonner leurs biens dans les provinces de Leinster, Munster et Ulster et sont déportés dans les comtés de Clare et de le Connaught, régions situées à l’ouest de l’île plus faciles à contrôler et à isoler en cas de révolte vue leur topographie. Les terres abandonnées seront réparties entre 12.000 officiers vétérans de l’armée anglaise. Ce transfert de terres fut spectaculaire: sous le Restauration, en 1660, les catholiques ne possédaient plus que 22% des terres de l’île, contre 59% en 1641, et ils avaient virtuellement disparu d’Ulster.

 

En 1690, Jacques II, roi catholique irlandais, est défait avec son armée, pourtant renforcée par des troupes françaises. Seule la ville de Limerick résiste encore jusqu'en 1691. Le " Traité de Limerick " signé le 30 octobre 1691 garantit une tolérance anglaise face aux catholiques irlandais. Cet accord n'a jamais été respecté par les Anglais et demeure encore aujourd'hui l'humiliation la plus cinglante qu'aient subis les catholiques irlandais.

 

C'est pour cette raison que des Irlandais, souhaitant en découdre avec les Anglais, se joignent aux troupes françaises, prenant ainsi une part très importante dans le gain de la bataille.

 

L’Irish Litterary Society est fondée à Londres le 12 mai 1892 par  des intellectuels irlandais parmi lesquels William Butler Yeats (prix Nobel de littérature en 1923). Dans les membres fondateurs  on trouve également Richard Barry O'Brien (1847-1918), avocat, nationaliste irlandais convaincu. Ce dernier décida d'organiser en juin 1905 une excursion à Fontenoy, haut lieu symbolique irlandais, pour les membres de son association.

 

Richard Barry O'Brien (1847-1918)

 

A l'issue de cette visite, ces irlandais décident que la plaque SULLIVAN, placée sur le mur du cimetière de Fontenoy en 1902, n'est pas suffisante pour honorer la mémoire des soldats irlandais. Ils organisent une souscription publique pour l'érection d'un monument plus conséquent. Celle-ci connut un très grand succès notamment dans la "diaspora irlandaise" principalement à Londres, San Francisco, New York mais  également à Dublin où elle fut soutenue par une campagne de presse.        

 

Le 6 décembre 1906, le bourgmestre Lobleau de Fontenoy, s'engage à fournir un site pour la Croix. En avril 1907, M. O’Brien se déplace en vue de choisir l’emplacement définitif. La place communale de Fontenoy est choisie fin juillet. Début août, l’architecte Anthony Scott arrive à Fontenoy accompagné des entrepreneurs  – les frères Thompson – et de la croix démontée.

 

Fontenoy Août 1907 : Les frères Thompson montent la croix.

 

Cette croix est composée de trois parties. La base est taillée dans du granit gris d’Irlande,  le socle dans du marbre de Limerick et la croix elle-même dans du granit bleu d’Irlande. Sur le socle,  on peut notamment lire en français et en gaélique : " Sur cette pierre fut signé le traité par lequel l’Angleterre eut garanti la liberté religieuse aux Irlandais, elle viola  le traité et les irlandais, chassés de leur patrie, entrèrent dans les armées de France et gagnèrent renommée sur les champs de bataille d’Europe ". De part et d’autre du socle, les armoiries de la ville de Limerick et une copie de la pierre sur laquelle fut signé dans cette ville le traité de 1691.

 

Limerick (Eire) Treaty Stone

 

En quelques jours, le monument est debout. Le 10 août, O’Brien arrive à Tournai pour peaufiner les  cérémonies qui doivent se dérouler le dernier dimanche du mois, à savoir le 25 août 1907.

 

Ce jour-là, au départ de Tournai, deux cents Irlandais, arrivés par train la veille, se rendent à Fontenoy par le tramway, précédés du Lord Maire de Dublin,  Joseph Hutchinson et de l'initiateur du projet, Richard Barry O'Brien. Une foule immense assiste à cette inauguration et la Croix est bénie et placée sous la protection de l'administration communale de Fontenoy, aujourd'hui fusionnée dans la ville d'Antoing.

 

 

 

Seule absente lors des festivités d’inauguration de la croix : la France. Le 3 août 1907, le consul de France à Tournai, Jules Bossut, envoie un rapport sur la commémoration annuelle de la bataille à l’ambassadeur de France à Bruxelles, le comte Olivier d’Ormesson, grand-père de l’écrivain Jean d’Ormesson. Il l’avertit de l’inauguration prochaine de la croix et demande quelle attitude adopter. Depuis 1904 « l’Entente Cordiale » est de mise entre la France et l’Angleterre. La demande du consul aboutit sur la table de Stéphane Pichon, Ministre des Affaires Etrangères à Paris. Quelques jours plus tard,  l’ambassadeur d’Ormesson répond que la manifestation ayant un caractère anglophobe, il faut s’abstenir d’y participer.

 

Les nationalistes irlandais eux-mêmes ont remarqué ce changement d’attitude dans le chef des autorités françaises. Anatole Le Braz, écrivain breton, s’est rendu en Irlande en avril-mai 1905 et a pu constater l’importance du souvenir de la bataille de Fontenoy dans les milieux nationalistes. Il rapporte dans Voyage en Irlande, au Pays de Galles et en Angleterre l’anecdote suivante : Apparemment, le Lord Maire de Dublin avait invité le consul de France à assister à une commémoration de la bataille de Fontenoy. Gêné, le consul répondit qu’il ne pouvait accepter de peur d’offenser la Grande-Bretagne, ce à quoi, le Lord Maire répliqua : « Oui, si l’Angleterre vous avait invité à assister à la commémoration de Waterloo, vous y seriez allé… ».

 

En 2007, à l’occasion du centenaire de la croix, la place sur laquelle elle fut érigée est rebaptisée Esplanade d’Irlande.

 

Suite à l’intervention de l’ASBL Fontenoy 1745 auprès de l’ambassade d’Irlande à Bruxelles, la croix celtique a été restaurée en 2014 grâce à des fonds dégagés par le premier ministre irlandais. L’Esplanade d’Irlande a été complètement réaménagée de manière à mettre en valeur la croix qui est désormais éclairée la nuit.

 

Fontenoy - Esplanade d'Irlande

 

Depuis 2016, suite à une idée émise par l'ambassadeur d'Irlande à Bruxelles, Eamonn Mac Aodha, la croix participe au Global Greening (éclairage en vert de plus de 300 monuments dans le monde entier) organisé par Tourism Ireland tous les 17 mars à l'occasion de la Saint Patrick, fête nationale en Irlande.

  croix celtique de Fontenoy

Fontenoy.  La croix celtique lors du Global Greening

 

 

 

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